Le mot de vocabulaire du jour : evergreening…

Aujourd’hui, leçon de vocabulaire ! Le mot du jour, c’est evergreening

L’evergreening, c’est cette technique qui consiste, pour les groupes pharmaceutiques, à déposer des brevets pour un produit faiblement modifié de façon à en conserver pour des décennies supplémentaires le droit exclusif d’exploitation.

Je vous explique…

Un labo met sur le marché un nouveau médicament. Avec ce médicament, il se remplit les poches durant quelques années (jusque là, ma foi, comme tout travail mérite salaire, si le médoc vaut son prix, c’est normal), puis, la formule passe dans le domaine public, et n’importe qui[1] peut fabriquer ledit médicament, sous un autre nom ou sous le nom de la molécule de base, mais avec la même formule : c’est le médicament « générique ».

Moins cher…

Mais si le laboratoire qui a inventé la formule de base modifie ladite formule (et crée donc de ce fait un « nouveau » médicament), il peut de nouveau re-déposer un brevet, et personne ne peut copier le médicament avant des années, sous peine d’être accusé de contrefaçon.

Vous me suivez ?

Alors, le « truc », c’est évidemment de ne pas changer grand-chose à la formule de base, afin que le prétendu nouveau médicament ne demande que peu de frais pour être mis en place.

Ça ne fait évidemment pas le bonheur des malades qui doivent alors payer très cher pour un « nouveau » médicament qui, à un milligramme près, ressemble à un « ancien » sans qu’aucune amélioration réelle dans le traitement de la maladie ne puisse être avancée… Et surtout, sans qu’une « copie », sans qu’un « générique » ne puissent être mis sur le marché – à un prix plus bas – hors contrefaçon.

Business is business, n’est-ce pas… Tout pour le sacro-saint pognon !

Quand je vous le disais, que je trouvais criminel que les labos s’intéressaient plus à la santé de leur portefeuille qu’à la santé des patients !

 

Depuis des années, les laboratoires pharmaceutiques de l’Inde fournissent des médicaments génériques à bas coûts dans le traitement du cancer, de la tuberculose ou du sida.

L’Inde fabrique des contrefaçons, va hurler le troll de service qui, apparemment, ne s’est pas encore rendu compte que ça faisait longtemps que les labos européens ou américains faisaient fabriquer bon nombre de leur médocs en Inde…

Bin, non, les laboratoires pharmaceutiques de l’Inde ne fabriquent pas plus de contrefaçons que les autres laboratoires pharmaceutiques du monde entier…

Mais pourquoi est-ce que je parle de l’Inde ?

Parce que ce pays, un géant en train de monter dans le monde du médicament, vient de donner une leçon à Novartis.

Novartis a inventé le Glivec (la molécule Imatinib).

Un produit contre la leucémie (et quelques autres affections cancéreuses), vendu – pour les riches – à environ quatre mille dollars[2] par patient et par mois. Le générique Imatinib, fabriqué en Inde, coûte au client la somme de … 73 dollars[3] !

En 2006, Novartis avait déposé une demande de brevet pour un « nouveau » Glivec. « Nouveau » selon le principe d’evergreening… L’Inde a refusé d’octroyer un brevet pour un produit sans différence significative avec l’ancien…

Têtu, Novartis a fait appel (pensez donc : un manque à gagner de quatre mille dollars par leucémique !). Et la Cour Suprême indienne a rejeté, ce lundi 1er avril, la demande de brevet, parce que la formule médicamenteuse ne remplissait pas les critères de « nouveauté » ou de « créativité » requis par la loi indienne.

Et vlan ! Les leucémiques indiens (ou ceux qui veulent se soigner et aller acheter leurs médicaments là-bas) continueront à bénéficier du générique du Glivec pour 73$ par mois !

Pas pour rien qu’on surnomme parfois l’Inde « la pharmacie des pays pauvres » !

En 2012, c’était Pfizer qui avait perdu son brevet pour le traitement anticancéreux Sutent. Et Roche le brevet de son traitement contre l’hépatite C, le Pegasys.

 

Alors, évidemment, le lobby pharmaceutique européen n’est pas content ! Quoi ? Des sales étrangers qui nous empêchent de gagner des sous en rond, doivent-ils se dire…

Je ne sais pas si ce sont leurs paroles (ou leurs pensées) exactes[4], mais en tout cas, Paul Herrling, un des responsables de Novartis, avait pris les devants, et avait essayé d’influencer le verdict d’aujourd’hui en menaçant hier, dans le Financial Times, que « Si la situation actuelle demeure, à savoir que toutes les améliorations[5] d’une molécule originale ne sont pas protégeables, ces médicaments ne seront pas commercialisés en Inde ».

Bah, apparemment, la menace n’a pas fonctionné… De toute façon, leur menace de ne pas mettre sur le marché indien un médicament à quatre mille dollars qui est – à un milligramme près – la copie conforme d’un médicament existant, et presque cinquante-cinq fois moins cher, ils peuvent se la rouler et se la mettre … dans leur poche !

 

Les associations qui craignaient que la justice ne donne aujourd’hui raison à Novartis sont soulagées. Cela va en effet permettre à des milliers de gens de continuer à être soignés, ce qui n’aurait plus été le cas si Novartis avait gagné son procès…[6]

« Cette décision devrait renforcer une clause de sauvegarde de santé publique unique contenue dans la loi indienne sur les brevets, qui permet de limiter la multiplication abusive de brevets sur des substances déjà connues sans preuve d’efficacité supplémentaire », explique Patrick Durisch, de la Déclaration de Berne. Qui ajoute que « Cette clause empêche que la production de génériques bon marché soit entravée par la prolifération de monopoles injustifiés. Des génériques vitaux pour les pays en développement, et dont l’Inde, surnommée la Pharmacie des pays du Sud[7], est l’un des principaux pourvoyeurs »…

 

Comme quoi, soigner les gens, contrairement à ce que vous professez, messieurs les dirigeants des industries pharmaceutiques européennes, ce n’est pas qu’une affaire de pognon ! Pensez de temps en temps à la santé des gens en mettant un peu de côté la santé de votre portefeuille, et le monde ne s’en portera pas plus mal…

 

 

 


[1] Souvent, le labo qui a inventé la formule originale fabrique également les génériques, histoire de gagner des sous sur les deux tableaux…

[2] Prix divulgué par Leena Menghaney, conseil juridique de Médecins Sans Frontière… Alors que le Glivec était officiellement annoncé à 3.200 dollars chez nous en 2011 (2.500€). Novartis augmenterait-il ses prix dans certains pays ? Faire prendre le bateau à une boîte de 30 comprimés de Glivec 400 coûterait-il 800 dollars ? Ou est-ce l’inflation qui a fait augmenter ce produit d’autant en un peu plus d’un an ?

[3] Ce qui, pour un leucémique lambda indien, est déjà une fortune, mais sans commune mesure avec les quatre mille dollars extorqués par Novartis… Pour info, l’Inde compte environ 1.200 millions d’habitants dont 40% gagnent moins de 1,25 dollar par jour !

[4] À mon avis, je suis probablement bien en-dessous de ce qu’ils doivent réellement penser !

[5] Prétendues améliorations, nuance !

[6] Vous croyiez encore naïvement que les laboratoires pharmaceutiques œuvraient pour la santé ? Bien sûr que non ! Je ne cesse de vous le dire : ils œuvrent D’ABORD pour gagner du pognon, comme toutes les industries, d’ailleurs ! La santé, ils s’en foutent !

[7] Ou la Pharmacie des pays pauvres, mais les associations préfèrent les appellations plus « politiquement correctes ».

 

 

 

Alors ? La pêche a été bonne, aujourd’hui ?

Bébé pisson

 

 

 

 

2 réflexions sur “Le mot de vocabulaire du jour : evergreening…

  1. Enfin !!!! Enfin!! Quelques uns …un Pays montre des dents et se lèvent contre les labots raquetteurs sans foi ni loi autre que le pognon !!!!
    ♫ Argent trop cher !! la vie vie n’a pas de prix !!!!!♪ Sauf pour certains :evi:

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