Un scandale de plus.

Hé oui, un scandale de plus.

Mais, bon, il s’agit juste (juste !) d’un bête scandale comme il en existe « plein » dès qu’on parle du lobby pharmaceutique.

Plein ?

Ho, oui… À un tel point que, ce genre de scandale, on n’y fait plus trop attention, tant on voit passer de ces fraudes régulièrement…

Mais justement, à force de ne plus y faire attention, on oublie que le but premier des industries (qu’elles soient pharmaceutiques ou autres), ce n’est pas de s’occuper de votre santé, mais c’est de s’occuper de la santé de leurs portefeuilles ! Et si, pour ça, il faut mentir, il faut tripatouiller, il faut manipuler, …, bah, la belle affaire ! De nos jours, le mensonge organisé est de toute façon un mode de fonctionnement de bon nombre d’organismes, depuis des états jusque des industries… Alors, un de plus ou un de moins…

 

Bon, alors ce scandale ?

J’y arrive…

Pour une fois, il s’agit de tromperies qui, jusqu’à preuve du contraire, n’ont pas (encore) eu d’incidences sur la santé de qui que ce soit (en tout cas, on ne s’est rendu compte de rien jusqu’à présent).

 

Nous allons parler de Novartis…

Un labo qui fabrique (et commercialise) un médoc contre l’hypertension.

Le valsartan…

Ce que l’on appelle un « ARA II », un « Antagoniste des Récepteurs de l’Angiotensine II »… Ce qu’on appelle aussi un « sartan »… Mais, bon, ce n’est pas important… Retenez durant deux secondes que la molécule valsartan fait partie des médocs chimiques destinés à faire diminuer l’hypertension artérielle, au même titre que d’autres sartans comme le candésartan, le losartan, l’olmésartan, etc. … Puis oubliez ces détails…

Bon, alors, pour celles et ceux qui en prennent peut-être sans le savoir, valsartan, c’est le nom de la molécule. Chez nous, la marque commerciale est Tareg (dans les pays anglo-saxons et le Japon, c’est Diovan).

 

Donc Novartis commercialise valsartan.

Appelé Diovan ou Tareg…

Un produit commercial qui marche bien puisqu’en 2010, le Diovan seul a rapporté à Novartis plus de six milliards de dollars !

Si cette molécule a été si bien commercialisée, on peut raisonnablement penser que c’est – en grande partie – grâce aux bons résultats d’une étude publiée le 31 août 2009 dans le European Heart Journal.

Une étude réalisée durant plus de trois ans par une équipe japonaise, sous la responsabilité du cardiologue Hiroaki Matsubara qui était (à l’imparfait) prof à l’Université préfectorale de médecine de Kyoto.

Une étude réalisée sur trois milliers de personnes souffrant d’hypertension artérielle et connaissant en outre de gros risques de problèmes cardiovasculaires.

On a séparé les patients en deux groupes, l’un prenant du valsartan, l’autre un autre traitement (oui, pour des traitements aussi « importants » que eux concernant des risques cardiovasculaires, on ne pousse quand même pas la plaisanterie jusqu’à administrer un placebo à ceux qui ne prennent pas la molécule testée[1]).

Au bout de trois bonnes années, Hiroaki Matsubara a volontairement interrompu l’étude : les résultats étaient tellement meilleurs avec le valsartan qu’il aurait été peu sympa de continuer à traiter l’autre groupe avec un produit donnant de bien moins bons résultats que le Diovan. Non seulement le produit de Novartis était excellent contre l’hypertension, mais en outre il réduisait les risques d’angine de poitrine et d’accident vasculaire cérébral !

Bref, Hiroaki Matsubara remets ses résultats, Novartis est content, il ne se prive évidemment pas de brandir ses résultats spectaculaires pour faire la promo de son médoc, et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes…

Sauf que…

En 2011, des vilains blogueurs remarquent des anomalies dans plusieurs articles du cardiologue Hiroaki Matsubara. Et ils en parlent[2]

Petit à petit, les revues qui avaient publié les travaux du cardiologue se mettent à sortir leur loupe pour les étudier de plus près.

En janvier de cette année-ci, deux de ses études sur les effets du valsartan sont retirées de la circulation dans le Circulation Journal.

Le premier février, c’est pire : la fameuse étude de l’European Heart Journal, celle qui faisait l’orgueil de Novartis… Hé bien, cette étude passe elle aussi à la trappe !

Oui, et alors ?

Bin alors, ça signifie que les résultats de l’étude de sensei le cardiologue japonais sont purement et simplement considérés comme nuls et non avenus.

Pourquoi ?

À ce moment-là, on ne sait pas trop… On parle juste (je cite) de problèmes cruciaux dans certaines données. Ha bin, oui, les journaux scientifiques n’aiment pas s’étendre sur le fait qu’ils se sont laissé berner…

Toujours est-il que sensei Hiroaki Matsubara démissionne de son poste à l’université de médecine, et que l’université met sur les rails une enquête pour en savoir un peu plus…

Une enquête dont les conclusions viennent d’être rendues publiques ce onze juillet dernier par Toshikazu Yoshikawa, le président de l’université…

Alors, tout d’abord, disons que l’ex prof Hiroaki Matsubara lui-même n’est pas officiellement mis en cause, parce qu’on n’a pas pu prouver les responsabilités. Mais on a réussi à prouver que son étude fut plus que « biaisée » (comme bon nombre d’études ont été manipulées sous l’influence d’un lobby).

Les données sur les participants ont été falsifiées pour faire apparaître les fameux « bénéfices » mis en avant concernant les angines de poitrine et les AVC. L’univ n’a épluché que 233 dossiers médicaux (sur les 3.000), et rien que là, elle a déjà constaté que, pour 34 d’entre eux, des informations avaient été modifiées pour faire apparaître des légers problèmes cardiaques pour les patients recevant du valsartan, et pour, à l’inverse, exagérer les mêmes problèmes pour les patients qui suivaient un autre traitement !

On comprend mieux pourquoi la molécule avait tant de bons résultats par rapport à l’autre traitement !

La commission d’enquête a sorti ses bouliers, et, ô stupeur, une fois les calculs corrigés, on se rend compte qu’il n’y a plus aucun bénéfice en ce qui concerne les ennuis cardiovasculaires !

Attention… Ça ne veut pas dire que le médoc en question n’est pas un bon antihypertenseur. Là n’est pas la question. Mais il a été présenté comme antihypertenseur ET comme protecteur au niveau cardiovasculaire, alors que cette dernière qualité est fausse…

 

Qui est le faussaire ?

Ha, bin, ça, on ne sait pas… Tellement de gens auraient pu le faire que c’est difficile de trouver « le » coupable…

Mais on a des soupçons…

Une des personnes qui s’occupaient de la gestion des données était employée par…

Par qui ?

Par Novartis !

En outre, ce brave employé de Novartis a participé à des essais sur le valsartan dans d’autres universités japonaises !

Qui vont, à leur tour, sortir leur loupe pour étudier les résultats de près !

Et, cerise sur le gâteau, il est apparu que le laboratoire d’Hiroaki Matsubara avait reçu, pour ses recherches, un petit don (tout petit !) d’1,4 million de dollars…

Et devinez qui était le gentil donateur…

Noooon ?

Bin si : Novartis !

 

 

Mais que ça ne vous empêche pas de continuer à faire entièrement confiance aux publications des labos pharmaceutiques !

 

 

 


[1] Et pourtant, sachant que bon nombre de médicaments sont inutiles et/ou dangereux, donner un placebo ne serait pas une si mauvaise idée… Il est vrai que les labos n’apprécieraient peut-être pas trop les résultats…

[2] Ha bin, oui, ils sont comme ça, les vilains blogueurs… Quand ils voient quelque chose d’anormal, ils en parlent. Et ça ne fait pas toujours plaisir aux gentils industriels, qu’on dénonce une fraude… Alors, bin, les vilains blogueurs se font regarder de travers par les gens qui sont les larbins des gentils industriels, et c’est ainsi que des trolls débarquent, tels des blancs chevaliers, pour rétablir la-vérité-selon-les-industries en harcelant durant des années lesdits vilains blogueurs… Ainsi va le monde…

 

 

 

6 réflexions sur “Un scandale de plus.

    • Amusante, la synchronicité : j’ai déposé un article en ligne voici deux jours pour parler de Julie Wasselin et de son bouquin… Mais avec la programmation des articles, il ne sortira que vers le 15/20 août…

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  1. Mais, mon pauvre petit troll-harceleur, ne sois pas si méchant envers les sites de l’European Heart Journal ou du Circulation Journal qui ont soutenu cette petite escroquerie, voyons.
    D’abord, ces sites ne sont pas hors-la-loi.
    Ensuite, ils n’étaient pas au courant que l’équipe qui testait le médoc en question avait falsifié les résultats, et une fois qu’ils ont constaté l’arnaque, ils se sont empressés de rectifier l’erreur en arrêtant justement de soutenir ce « faux médicament »…
    En outre, ce n’est pas exactement un « faux médicament ». Parce qu’il est quand même plus ou moins efficace contre l’hypertension. Mais il n’a aucune efficacité pour les ennuis cardiaques comme le soutenaient Novartis et ses complices…
    Il n’y a aucun danger de mort à consommer ce médicament (pas plus qu’un autre médicament chimique, enfin, sachant que les médocs chimiques tuent annuellement, rien que dans ton pays, dans les dix-huit mille personnes…).

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